Urbi-et-orbi

Axes de recherche 2023

Dans son article « Les enfants d’Artaud et de Nijinski », Gérard Toffin souligne que dans les arts du spectacle, les œuvres sont séparées de leur fonction et que l’esthétique l’emporte sur le rituel, ce qui entraîne la disparition des dieux de la scène moderne.
Cela m’amène à m’intéresser aux artistes de notre époque qui aspirent à une agentivité de la représentation. Pour ceux issus d’une ontologie naturaliste, je suppose qu’ils ont dû opérer un changement paradigmatique afin d’envisager le théâtre chamanique comme moyen de guérison de notre univers grâce à l’assistance des esprits.

Certains artistes de mon corpus d’œuvre sont issus de sociétés à chamane. Pour eux, ce changement de paradigme ne semble pas nécessaire, car les esprits participent à la marche de leur monde.
Je souhaite comprendre comment ces artistes ont abouti à une théâtralité contemporaine. Quels ont été les canaux d’apprentissages des formes contemporaines pour ces artistes non occidentaux? En quoi leurs nouvelles pratiques rituelles s’écartent-elles d’un héritage historique codifié? Qu’est-ce qui perdure malgré tout de cet héritage dans leurs pratiques actuelles?

Jerzy Grotowski, dans son cours au Collège de France, identifie deux sources du théâtre : le rituel et le conteur. Mon premier intérêt allait vers le théâtre rituel, performatif, où quelque chose advient ici et maintenant pour « agir et transformer le monde ». Toutefois, l’ethnologue Sébastien Baud m’a fait prendre conscience que « dans les sociétés à chamanes, raconter est agissant ».
Bien que le rituel demeure une préoccupation centrale pour moi, c’est ce qui se joue derrière « les portes de la perception » qui m’anime véritablement.
Je suis à la recherche d’artistes qui, sur scène, nous racontent leurs voyages dans les mondes-autres et nous donnent les clefs pour y évoluer. Mon projet de recherche vise donc à analyser les spectacles qui mettent en scène ces mondes-autres et à étudier les outils dramaturgiques employés à cet effet. Je pense que chaque monde-autre convoqué est sous-tendu par une diégèse, et j’aimerais analyser ces différents récits, identifier les lignes de force et les écarts afin de mettre à jour les cosmologies que les artistes d’aujourd’hui sont en train d’inventer ou de ré-inventer.
Le récit est donc au cœur de mon projet de recherche, car je suis convaincu que la force de la représentation est d’abolir le temps pour rendre présent le mythe.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.